Les secrets d'entraînements du WORLD TOUR | Alexandre Abel entraîneur Decathlon Ag2r

Oct 13, 2025

[Note : Il s'agit d'un repost d'un article rédigé en début d'année à la suite d'une discution que j'ai eu avec Alexandre Abel entraîneur chez Decathlon Ag2r. Tu y découvriras pourquoi les pros ont abandonné le low carb, comment développer une vraie durabilité, et le secret du "race stage effect" pour exploser sur tes Gran Fondo. On va voir comment s'approprier les méthodes utilisées en World Tour]

 


Début décembre, j'ai eu la chance de recevoir Alexandre Abel, entraîneur depuis 7 ans pour l'équipe WorldTour "Décathlon Ag2r la mondiale". Oui c'est du lourd. Dans cet épisode on est revenu sur sa carrière d'entraîneur, sur les éléments qui ont contribué au succès de l'équipe qui est sortie 6ème au classement UCI en 2024.

Et surtout on a beaucoup parlé d'entraînement et des éléments qui contribuent à l'atteinte du haut niveau. L'ensemble de ces pratiques sont applicables pour les cyclistes amateurs.

Je lui ai aussi posé des questions en lien avec les compétiteurs sur format Gran Fondo ce qui est donc 100% applicable pour vous.

Le but de cet article est de revenir et de détailler 6 concepts clés de cet entretien qui vous aideront dans votre quête de progrès :

La durabilité (comment la développer ?) La distribution des intensités (un changement de paradigme, puncheur vs grimpeur) Les bénéfices du off-road pour progresser sur la route (VTT, gravel) Revenir aux fondamentaux (la spécificité) Le secret pour performer en Gran Fondo (le race stage effect) La puissance des mots > au data


La durabilité (comment la développer ?)

Aujourd'hui, dans le cyclisme professionnel les données brutes de puissance ne suffisent plus pour performer.

Pour être dans le haut des classements et gagner il faut développer une excellente durabilité. Dit autrement il faut d'excellentes capacités de résistance à la fatigue. On pourrait définir cette qualité comme le potentiel à exprimer son niveau physique en état de fatigue.

L'athlète qui a la meilleure durabilité est capable de se rapprocher de son 100% après 5h d'effort à contrario un athlète présentant une déficience à ce niveau verrait son niveau s'écrouler.

Pour évaluer cette qualité c'est très simple : on prend son Profil de puissance record (PPR) de quelques secondes à 20min et on observe la perte de puissance après un effort de 3000, 3500 voire 4500 kJ en fonction des épreuves.

Bien sûr on ne teste pas cette qualité à l'entraînement, c'est en observant les datas de courses qu'on peut évaluer la durabilité.

Mais attention, à ne pas se perdre avec la durabilité. En effet, les valeurs brutes de puissance de 1min à 20min sont celles qui sont déterminantes à la base pour gagner et qui intéressent les équipes. Et même si on a une perte après x kJ, si les données de base sont énormes même avec de la fatigue on obtiendra de bons résultats.

Alors, comment développer cette durabilité ?

Plusieurs solutions. La première est d'implémenter des séries de moyenne et haute intensité en début, milieu et fin de sortie longue afin d'habituer l'organisme à produire des efforts en état de fatigue.

Mais la grosse différence se fait en passant du temps sur des intensités dites "intermédiaires", au-dessus de FatMax, entre les deux seuils métaboliques. Finalement, ce sont les intensités que l'on retrouve le plus en course. Alors passer du temps ici permettra de gagner en efficience sur ces gammes de puissance, en améliorant son efficience métabolique (utilisation des graisses, et la resynthèse du lactate) et son efficience musculaire.

Le but est de laisser moins de plumes dans ces secteurs là pour tout donner dans le final. Exemple d'une étape en montagne où les tous meilleurs passent les premiers cols à basse intensité. Alors on ne parle même plus de résistance à la fatigue mais d'absence de fatigue dans ce cas là. Cela facilite grandement l'effort final à fournir.

Pour les coureurs de classiques, ils vont passer 5h à 4,5/5,0 w/kg car ça ne débranche jamais. Développer cette efficience intermédiaire et rester confortable dans cette zone est crucial.

Aussi, pour faire plus simple et aller à l'essentiel, la grosse différence est que les coureurs vont chercher des niveaux de dépense énergétique beaucoup plus importants qu'à l'époque. Le niveau de charge en kJ a grandement augmenté. Cela est rendu possible par une augmentation considérable de la consommation de glucides sur et en dehors du vélo.

Si votre nutrition n'est pas au point, chercher à maximiser vos kJ par semaine va rapidement vous amener dans le surentraînement.

De nos jours, on est complètement sorti du paradigme du low carb et de la maigreur. Maintenant pour être au niveau, il faut consommer un maximum de kcal, vider les stocks et recommencer.

Mes 3 conseils : Commencer à traquer vos kJ hebdomadaires Augmenter votre consommation de glucides Ajouter des exercices dans vos sorties longues


La distribution des intensités (un changement de paradigme, puncheur vs grimpeur)

Là aussi gros changement de paradigme. Il y a 4 ans Alexandre avait une approche polarisée de l'entraînement qui comprenait une majorité de séances à basse intensité et le reste des séances à haute intensité proche de VO2max.

Ce modèle fonctionne parfaitement, surtout lorsqu'on commence à suivre un entraînement structuré. Selon moi c'est la meilleure approche pour chercher le gros des progrès durant ses premières années d'entraînement pour développer VO2max le plus possible.

Par contre arrivé à un certain point, suivre un modèle de distribution pyramidal comprenant une large portion d'efforts intermédiaires est obligatoire pour atteindre son plein potentiel et répondre aux exigences des courses.

Sur ses athlètes il va différencier deux catégories et leur appliquer un modèle légèrement différent.

Les coureurs de classiques Séances très intenses tôt dans la saison pour travailler les efforts courts et intenses qui feront la différence Énormément de travail intermédiaire pour survivre aux courses de 5h à 4,5 w/kg

Les grimpeurs et les équipiers de montagne Ciblage des efforts type montée de col proche du seuil 2

Ils adaptent leur distribution des intensités en fonction de la saison.


Les bénéfices du off-road pour progresser sur la route (VTT, gravel)

Si il pouvait Alexandre proposerait des séances de VTT toute la saison à ses athlètes. Selon lui, il n'y a pas de meilleure discipline pour développer "le torque" et développer un large recrutement musculaire.

Que ce soit en gravel ou en VTT les portions ascendantes ne sont jamais lisses et l'on a souvent besoin de fournir d'énormes pics de force ici et là pour passer une racine, relancer en sortie d'épingle, accélérer pour passer une courte montée raide.

En bref, une sortie de ce type permet de générer des pics de torque et de contribuer au développement de la force maximale dû à une amélioration de l'efficience neuromusculaire et du recrutement musculaire.

Selon lui, cette approche est bien plus efficace que de réaliser des séries interminables de basse cadence sur la route.

Aussi, aller en dehors des routes casse la monotonie de la route et permet de durer plus longtemps dans le temps. Avec leur calendrier de course et le risque de chute, les pros évitent. Mais pour les amateurs Alexandre vous invite à sortir des routes.


Revenir aux fondamentaux (la spécificité)

À l'approche des compétitions, l'approche qui fait la différence est d'analyser le circuit de vos objectifs, d'imaginer le scénario probable et de mimer ça à l'entraînement.

Alexandre calque des séances sur mesure pour ses athlètes en fonction de l'épreuve où ils vont cibler des durées d'efforts et intensités proches de ce qu'ils retrouveront le jour J.

Il faut savoir sortir des chiffres et d'une approche scientifique froide au bon moment pour préparer une épreuve spécifique. Surtout pour des professionnels qui ont déjà des niveaux physiologiques très élevés, la différence se fait sur des réglages. Le moteur est là, ce qui compte c'est faire les bons ajustements.

Alexandre a par exemple des séances rituelles avec certains de ses athlètes à un moment charnière de la saison et ça fonctionne !


Le secret pour performer en Gran Fondo (le race stage effect)

Pour performer en Gran Fondo il vous faut augmenter votre volume dans la mesure du possible et suivre un modèle de distribution avec un volume important de temps passé sur les intensités intermédiaires.

Réaliser des stages en montagne sera également une clé pour développer son efficience en col, en habituant ses muscles à ce coup de pédale.

Utiliser le race stage effect (l'effet des courses à étapes)

Si vous avez déjà réalisé de gros blocs d'entraînement bien denses ou des stages vous avez peut-être constaté une forme exceptionnelle à la fin de ce dernier.

Sur le papier ça ne fait pas sens car le niveau de fatigue est élevé. Néanmoins, dans un stage en montagne par exemple, on monte tous les cols dans cette fameuse zone intermédiaire. Cela va provoquer une énorme progression de cette qualité sur une courte fraction de temps.

Cela provoque un effet boost immédiat qui peut vous donner la sensation d'être inépuisable. La concentration de charge et l'enchaînement des grosses journées d'entraînement provoquent une réponse unique.

Cette réponse est celle que vous devez chercher pour réussir vos Gran Fondo comme l'Étape du Tour. Au lieu de chercher à optimiser votre fraîcheur Alexandre nous recommande d'arriver avec "un fond de fatigue".

Cela permet de conserver l'ensemble des adaptations court terme liées à "l'efficience intermédiaire" et la fatigue ne vous empêchera pas d'exprimer votre niveau.

Les protocoles d'affûtage traditionnels sont utiles si vous préparez des épreuves qui demandent des efforts très intenses. Dans ce cas là retrouver de la fraîcheur sera un paramètre clé pour réaliser une performance élevée.

Aujourd'hui, les équipes pro essaient d'optimiser le calendrier de course de leurs coureurs afin de moins courir pour passer plus de temps en stage.

Attention à ne pas négliger la haute intensité toute l'année, elle peut également vous aider à obtenir un effet boost dans la phase terminale de votre préparation.


La puissance des mots > au data

Enfin dans un monde de data il est crucial de ne pas perdre de vue l'esprit qui est partie intégrante de notre existence. Toutes nos actions sont liées à des conditionnements mentaux et des croyances qu'elles soient conscientes ou inconscientes.

Alors, les croyances que vous avez sur vous et sur l'entraînement vont conditionner vos résultats. En tant qu'entraîneur Alexandre porte une attention très importante à la psychologie et la relation qu'il arrive à développer avec ses athlètes.

Ces derniers lui font confiance et ce lien amène des résultats qui ne sont pas explicables avec les "datas".

Exemple concret :

En 2023, après une victoire de l'équipe, Alexandre glisse à son coureur Dorian Godon qu'il sera le prochain membre de l'équipe à gagner.

10 jours après ce dernier remporte La Flèche Brabançonne (qui n'est pas une course de cadet 😅). Dans les 50 derniers km il n'a pensé qu'à la phrase de son coach, ça l'a rendu calme confiant et il s'est senti porté jusqu'à la ligne.

Le cyclisme c'est pas que des données brutes et de l'analyse rationnelle. Alors apprenez à conditionner votre esprit pour performer au plus haut de vos capacités.

Et croyez en vous, si vous ne le faites pas personne va le faire à votre place. Le vélo c'est dur, il faut bien croire à des choses pour continuer d'appuyer dans la douleur.

Donc restez positif, maîtrisez vos dialogues internes et tout se passera bien pour vous 😉

Bon entraînemlent à tous ! La préparation hivernale approche !!

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